Je voudrais vous parler un peu de l'endroit où j'ai appris à dessiner. C'était un lieu trouvé dans un vieux tiroir, rangé à côté des coquillages fluorescents de grand-père. On y voyait des cratères d'occasion, où seuls des aéroplanes à métabolisme lent pouvaient se poser, des stands de tirs à rebonds facultatifs, des orbites de différentes tailles, avec ou sans rétroviseurs, des wagons-lits pour cartes à jouer, des oreilles de cochons en caoutchouc chromé, des restes de nuages carbonisés, devenus trop denses pour rester dans les airs, des ossements de baleines réhabilités en parc à jeux pour enfants, des pelouses synthétiques parsemées de bunkers en polystyrène, des colonies de ronces vivipares, des régiments entiers d'orties prédécoupées, des parkings pour tanks, des lampadaires à ultrasons, des chemins de montagne parsemés de diamants noirs et de petites culottes en bois peint, des glaçons géants contenant des familles entières de mammouths, des aéroports pour avions en papier subventionnés par la mafia, des rivières de mercure où des antilopes mécaniques venaient s'abreuver, des trottoirs à ressorts, des arrêts de bus mouvants, des maisons en gruyère périmé, des champs de yaourts à moteur, des distributeurs automatiques de papier toilette, des tas de feuilles mortes mélangées à des billets de banques ayant subi une super inflation, des bancs-catapultes, des dragons polygonaux en plastique vermoulu, des égouts creusés par des taupes municipales, des ponts blancs sur fond blanc, des maisons closes avec des sirènes sur le toit fonctionnant tous les premiers mercredis du mois, des bibliothèques faisant des prêts de kangourous séchés et de missiles antichars, des termitières sur coussins d'air, des tranchés capitonnées importées d'Angleterre, des buissons thermonucléaires, des crottes de lapins peintes en bleu, des roses vertes à feuilles rouges, des plantations de navets contenant des oligo-éléments, des vitamines et du plutonium, du maïs transsexuel mal maquillé, des micro-routes qui peuvent tenir dans la poche, des mémés sur des bancs avec des chiens, des marchands de bonbons aux fruits de mer, des aquariums montrant des combats de poissons panés, des pots de fleurs avec des reflets fanés, des armoires radioguidées, des troupeaux de laxatifs sculptés à la main, des écrans géants à translation aléatoire, des terrains de golf en guimauve photovoltaïque, des salles de musculation pour stégosaures daltoniens, des cloportes albinos cherchant à fuir la Guerre Froide, des murs de briques sans cholestérol, des policiers en montgolfières, des centrales nucléaires entourées de piscines chauffées gratuites et bien d'autres choses encore.

Je me demande comment tout cela pouvait tenir dans le tiroir de papy...